La porte du droit

Divorce-t-on vraiment moins en France ?

Attention aux statistiques ! Les chiffres s’utilisent toujours en fonction du pont de vue qu’ils sont sensés appuyés. Prenons le mariage par exemple. Selon les données brutes de l’INSEE, la courbe des divorces en France tend à s’infléchir. Néanmoins, il existe plusieurs façons d’interpréter ces chiffres. Selon le sens, plus ou moins large, que l’on donne au mot divorce, et selon le rapport global établit entre unions et séparations. Explications…

 

Ne jamais se fier aux données brutes

 

Contrairement à une affirmation largement partagée dans les médias, les chiffres ne disent pas la vérité. Notez qu’ils ne mentent pas non plus. Ils sont là, couchés sur une feuille de papier ou affichés sur un écran, attendant patiemment une interprétation. Malheureusement, cette interprétation est bien souvent occultée (pour gagner du temps) et conduit à des conclusions parfois hasardeuses. Reprenons notre exemple sur les divorces. A en croire les données brutes, le nombre de divorces en France a tout bonnement été divisé par deux entre 2016 et 2018 ! Incroyable, mais vrai. Le chiffre recensé par l’INSEE est passé de 128 043 à 62 317 deux ans plus tard. Alléluia ! Voilà que les français respectent au moins une vénérable institution ! En lisant les petites lignes qui accompagnent le graphique, un indice nous met pourtant la puce à l’oreille, il s’agit du nombre de divorces prononcés par un juge, seuls pour le moment à être recensés par l’INSEE. Ce qu’il faut savoir, c’est que jusqu’au 31 décembre 2016, toute procédure de divorce engagée en France était forcément l’affaire de la justice. Mais depuis le 1er janvier 2017 et l’entrée en vigueur des premiers décrets émanant de la loi de la modernisation de la justice, la France s’est également dotée de la possibilité de divorcer sans juge dans le cadre d’une procédure amiable. Si bien que les données de 2018 semblent bien plus refléter l’impact du divorce sans juge qu’une hypothétique chute du taux de divorce…

 

Toujours essayer d’avoir une vision globale d’un dossier et de son environnement

 

De fait, il y a fort à parier que depuis le 1er janvier 2017, les français qui le peuvent préfèrent avoir recours au divorce par consentement mutuel, arbitré uniquement par les époux en procédure et leurs avocats respectifs, qu’à une procédure contentieuse, toujours plus longue, plus coûteuse et bien plus énergivore. Néanmoins, allons un peu plus loin encore. Ces données relatives aux divorces sont remarquables également dans la colonne ‘mariages’. En effet, on constate une baisse du nombre de mariage sur ces 20 dernières années, passant de plus de 300 000 en 2000 à 220 000 environ en 2019. Là encore, la chute est vertigineuse. Le simple reflet d’une société pour laquelle l’engagement ne signifierait plus rien ? Pas certain. Car dans le même temps, le nombre de Pacs a explosé, passant de 20 000 à plus de 210 000 ! En réalité, les français s’unissent bien plus qu’il y a 20 ans (plus de 100 000 unions supplémentaires !) La raison de ce surcroît d’unions ? Elles sont sans doute multiples, mais on peut avancer sans se risquer que la simplification administrative a joué un rôle important, aussi bien au moment de l’union ou du mariage qu’au moment de la séparation ou du divorce. 

Conclusion, à la vue des chiffres officiels, il est donc impossible d’affirmer que l’on divorce moins en France. Pour le savoir, il nous faudra attendre la remontée des données des notaires, ces derniers ayant pour rôle de valider les conventions de divorce à l’amiable. Toutefois, on peut aisément se risquer à penser que le nombre de divorce sans juge représente aujourd’hui entre 45 et 55 % du nombre total des divorces (sans compter les séparations ou les ‘dépacs’). Un vrai succès pour le législateur qui a su miser sur la responsabilité des couples et la simplification des procédures. Notez que désormais, pour les cas les plus simples (couples sans enfants et sans surendettement entre autres), il est également possible d’opter pour un divorce en ligne. Le gain de temps est considérable même si la procédure doit de toute façon se terminer par un rendez-vous physique entre les parties et une signature commune de la convention de divorce.

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